Le collège unique : une ambition à concrétiser

« Le collège unique est une ambition, une œuvre de plusieurs générations » disait Alain Savary. C’était il y a près de trente ans, et le propos n’a pas pris une ride ! Le collège unique, cette Ecole du peuple accueillante aux enfants du peuple, reste en effet à bâtir… Avec près de 20% d’entre eux en difficulté à la fin du collège, on est encore loin du compte. Pourtant, nous en sommes convaincus, l’idéal des pères fondateurs du collège est accessible. Et il nous paraît à la fois juste et nécessaire de tout faire pour l’atteindre. Oui, il est possible, juste, et nécessaire, de former ensemble la totalité d’une classe d’âge. Mais pour que cette scolarité commune profite enfin à tous, il devient urgent de repenser et de changer en profondeur le collège actuel. Accueillant tous les élèves, il doit cesser d’être pensé comme l’antichambre du lycée général. Il doit avoir ses objectifs propres et se transformer en véritable « collège du socle commun », dont l’unique ambition est la réussite de tous les élèves qui le fréquentent.

Mais par où commencer ? Quelles sont les mesures prioritaires à prendre et les leviers du changement ? Les contenus de formation, l’évaluation, le travail personnel des élèves, l’organisation du travail des équipes, les méthodes pédagogiques, la formation des enseignants, l’allocation des ressources, l’éducation prioritaire ?…  Autant de chantiers, autant de questions dont nous souhaitons débattre avec vous, avant de formuler des propositions concrètes pour dessiner un nouvel horizon pour le collège.

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9 commentaires pour Le collège unique : une ambition à concrétiser

  1. CaSiMiR dit :

    Merci ! Enfin un syndicat qui s’intéresse au collège et à sa place dans le système éducatif en posant de bonnes questions qui risquent d’en déranger plus d’un. Vaste chantier, mais on va peut être enfin avancer dans le bon sens, celui de l’intérêt des élèves !! Bon courage au SE-UNSA et longue vie à ce blog que je reviendrai consulter régulièrement.

  2. Merci pour ce commentaire encourageant. Cela vient s’ajouter au nombre de connexions significatif enregistré ce jour de lancement du blog. Sans verser dans l’auto-satisfaction, nous souhaitons simplement et sincèrement ouvrir largement la réflexion autour des mesures urgentes à prendre afin de permettre au collège de remplir sa mission avec succès, c’est à dire au profit de TOUS les élèves qui le fréquentent.

  3. zakhartchouk dit :

    Bravo pour cette initiative. En cette rentrée, dans les collèges, il devrait y avoir une vraie mobilisation pour la mise en oeuvre du socle commun, une vraie appropriation de l’approche par compétences. On en est loin et il faut bien dire que le socle est perçu davantage comme quelque chose en plus et non une réorganisation des contenus scolaires et une invitation à travailler autrement. Cependant, ici ou là , on expérimente des classes sans notes, des nouvelles manières d’évaluer, ne serait-ce qu’en essayant avec l’oral, la recherche documentaire, l’histoire des arts. Certains continuent, de façon un peu délirante, à clamer que le socle c’est l’abaissement des savoirs. Mais tout dépend de la posture qu’on adopte: parle-t-on des savoirs qu’on enseigne ou des savoirs que les élèves apprennent réellement? Tout est là. J’espère que ce blog sera lu et que des enseignants vont y contribuer, car on ne peut guère compter sur le ministère pour mutueliser les pratiques. Si peu de formations autour du socle par exemple.
    mais sur le long terme, il faut être optimiste
    jean-michel Zakhartchouk, professeur de collège et auteur de « travail par compétences et socle commun » (crdp et cahiers pédagogiques)

  4. voici ma contribution publiée sur Mediapart :
    http://www.mediapart.fr/club/blog/sebastien-rome/080910/pour-la-suppression-des-programmes-du-primaire-et-du-college

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    Cela me paraît une évidence. Il faut purement et simplement supprimer les programmes du primaire et ceux du collège. Ils n’entrent dans nos réflexions que comme des textes à inlassablement modifier, refonder. Pourtant, ils sont une aberration, un archaïsme, de notre système scolaire.

    J’ai eu le plaisir d’un (trop) court échange avec Antoine Prost. Il me faisait part de son scepticisme sur la situation actuelle de l’école et sur la capacité des hommes de sa génération à apporter de nouvelles réponses. « [Ses] idées auxquelles [il] adhère en matière d’enseignement datent, m’écrivait-il, d’il y a plus d’un demi-siècle : ce sont, pour faire vite, celles des classes nouvelles de la Libération ». Elles ne répondraient plus aux défis de l’école du XXI siècle.

    Je ne partage pas cette vision. Au contraire, il me semble que les idées nées des « classes nouvelles de la Libération » ont encore une force qui peut entraîner notre imagination et, malgré le fait qu’elles aient guidé la plupart des réformes jusqu’aux années 90, elles n’ont pas été totalement appliquées.

    L’une d’elles avait pour but de repousser l’âge de la scolarité obligatoire et de permettre à tous les élèves d’avoir un même enseignement jusqu’à l’âge de 16 ans. La lente instauration du collège unique est l’emblème de cette réforme. (Sur ce sujet lire le court résumé très bien fait sur le site de la documentation française). Le but était de démocratiser un enseignement jusqu’alors coupé en deux : d’un côté, l’école pour le peuple formant les individus pour des places dans la société propres à être tenues par « les petites gens » et, de l’autre côté, l’école de l’oligarchie formant les élites ; L’école des hussards et « le petit lycée » ; L’école publique gratuite pour tous et l’école publique payante pour quelques uns. Ce n’est donc qu’en 1975, avec la réforme Haby, que tous les élèves feront un parcours (quasi-) similaire de la maternelle à la fin du collège. Difficilement, l’égalité pour tous avait été conquise.

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    Mais rapidement les critiques se sont élevées. Les limites de la démocratisation avaient-elles été atteintes (« le niveau baisse ») ? A comparer les résultats de tous les petits français avant et après la démocratisation, le profit est indéniable comme dans tous les pays où il y a eu cette démocratisation (cf. Eric Maurin). Toutefois, la « qualité de vie dans les établissements […] ne convient pas toujours aux professeurs et aux élèves, notamment à cause du développement des incivilités ». Il y a notamment incompréhension entre enseignants, parents et élèves sur un point essentiel : le collège doit accueillir tous les élèves et doit, en même temps, préparer « une partie d’entre eux à des études longues » (La documentation française) . Les uns et les autres attendent des comportements ou des résultats qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Il est donc convenu de dire que le collège est le problème central de notre système scolaire très inégalitaire.

    Mais le point souvent passé sous silence dans les débats médiatiques sur l’école, qui me semble pourtant bien plus central et problématique, est la césure au sein même de l’enseignement obligatoire : entre d’un côté l’école primaire et de l’autre le collège. D’un côté l’école héritière de l’école du peuple et de l’autre du petit lycée. Le statut différent entre les instituteurs et les professeurs incarne particulièrement bien cette césure. Leur formation et leur vision du métier est différente. Au sein même de la FSU, sur un sujet tel que la récente réforme de la formation, cette fracture est ressortie de manière abrupte paralysant le syndicat majoritaire. On peut même dire que cette séparation distingue à peu près les camps surfaits « des pédagogues » et « des républicains ». Si l’unification des écoles a été faite pour les élèves, elle n’a pas été réalisée pour les enseignants et ce sont les élèves qui en pâtissent. La reproduction sociale passe en « sous-main ».

    La réforme de « l’école unique » n’a donc pas été menée jusqu’au bout. Une réforme qui a été faite à moitié est bien une mauvaise réforme. C’est une ambition que nous devons reprendre à notre compte. Cela est devenu vital car l’autre l’alternative est la réintroduction des deux parcours distincts comme le souhaite fortement une partie de l’UMP car « tous les élèves ne sont pas faits pour être au collège » (thème qui trouve un certain écho chez les enseignants du secondaire d’ailleurs).

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    La première étape de ce « nouveau » projet pour l’école est la suppression des programmes du primaire et du collège et l’affirmation du « socle commun de connaissances et de compétences » comme seul référentiel de l’école obligatoire. N’est-il pas absurde d’avoir quatre référentiels pour l’école obligatoire ? (un programme pour l’école maternelle, « obligatoire » dans les faits puisque le taux de scolarisation des trois ans est de 100 %, un programme pour l’élémentaire, un programme pour le collège + le socle commun)

    Il ne s’agit pas de laisser les enseignants dans le vide ou pire, leur laisser « la liberté » (sic) de fixer eux-mêmes les objectifs pour l’école. C’est plutôt la volonté d’affirmer l’ambition de l’école obligatoire et de penser le parcours des élèves de manière continue entre 3ans et 16 ans. C’est pourquoi, à côté du socle commun, des documents d’application par grandes compétences seront distribués dans les écoles et les collèges aux enseignants. Ils retraceront les progrès attendus des élèves par cycles de deux ou trois ans de la maternelle à la troisième. Chaque enseignant aura en main, quel que soit sa classe, le « programme » des élèves bien avant et bien après « sa » classe et selon le domaine des grandes compétences qu’il travaille. Le professeur d’histoire de 5ième saura ce que les élèves ont travaillé au primaire. Mais plus encore, ces documents d’application du socle commun, donneront des éléments de réflexion et des pistes de travail sur l’apprentissage des notions. Ainsi, ce même professeur d’histoire pourra voir comment se construit la notion du temps chez les élèves entre 5 et 8 ans (au cycle 2). En retour, l’enseignant de Grande Section reliera son travail sur le temps aux objectifs de la fin de la scolarité obligatoire. Le professeur de 6ième recevant un élève non francophone trouvera des indications sur les processus d’apprentissage de la lecture allant de la phonétique (travaillée en maternelle) aux techniques de décodages.

    Les parents trouveront leur compte dans ce changement. Un document unique, aux objectifs clairs, fixant les objectifs terminaux (le socle) mais déclinant aussi, rapidement, par cycle, des objectifs intermédiaires. C’est l’institution d’un véritable « passeport pour l’école de 3 à 16 ans ».

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    Mais cela ne suffira pas à combler le fossé entre le premier et le second degré. Cela ne résoudra pas tous les problèmes de l’école obligatoire. Un rééquilibrage budgétaire vers les petites classes est incontournable. Mais, c’est une première étape qui n’est pas négligeable. Et puis, ce ne sera pas une grande perte que la suppression de ces programmes (cf. l’intervention de Luc Ferry et Jack Lang). Sans cette suppression pure et simple, nous allons repartir pour une « guerre » de 100 ans entre les « républicains » et les « pédagogues », les uns prenant le pas sur les autres au gré des revirements électoraux. Alors que notre priorité est d’unifier le parcours des élèves tout le long de la scolarité obligatoire. C’est un chantier qui, s’il est entrepris avec détermination et ambition, peut bien tenir la politique éducative de notre pays pendant 20 ans (entre 2012 et 2032 ?). Les écueils ne manqueront pas car ils n’ont pas manqué par le passé. Bref, tout un programme.

    • Cette question de la rupture premier et second degré dans la scolarité obligatoire est en effet cruciale. Et l’angle choisi -la suppression pure et simple des programmes- est intéressante au-delà de l’aspect provocateur. Nous avions pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de la contribution publiée sur Mediapart et tenons à vous remercier de votre commentaire fourni. Et justement, nous pensons que cette analyse mériterait davantage qu’un simple commentaire dans ce blog. C’est pourquoi, nous aimerions publier celui-ci comme contribution ou en recevoir une , comme vous le souhaitez. Dans l’attente de votre réponse et très amicalement.
      thierry.foulkes@se-unsa.org

  5. Blauc dit :

    Au collège, il y a aussi les élèves des SEGPA. Quelle place pour eux dans ce nouveau collège que le SE-UNSA appelle de ses voeux ? Quels objectifs pour ces jeunes dans le collège de socle ?

  6. prognon dit :

    Vaste débat que celui du collègue unique où l’on trouve autant de détracteurs que de thuriféraires. La teneur de votre colloque est intéressante mais toute réflexion sur ce rouage essentiel de notre système éducatif ne peut s’exonérer d’un minimum de pragmatisme et ne doit pas céder aux sirènes de la pédagodémagogie dont nous sommes abreuvés depuis quelques décennies. L’idée du collège unique s’est inscrite dans une réalité sociologique qui nous paraît aujourd’hui éloignée. Même si le projet d’une école de la mixité m’apparaît être le plus juste socialement, nous devons admettre qu’elle ne correspond plus à la réalité de nos sociétés gangrenées par le consumérisme et l’élitisme. Car, si l’on ne modifie pas les rapports sociaux dans un sens plus égalitaire à quoi bon se gargariser de réflexions théoriques dans un contexte de destruction systématique de ce qui est le plus beau fleuron de la République : l’Education nationale.
    Néanmoins, je suivrai avec intérèt la progression de vos débats.

    • Ryder dit :

      « Modifier les rapports sociaux dans un sens plus égalitaire… » Vaste chantier! Ancien parent d’élève (toujours parent, mais l’élève a grandi) je constate avec tristesse que les parents sont souvent les pires avocats de la pérennisation du statut quo: favorables à la compétition, braqués sur les notes, anxieux pour l’avenir de leurs enfants, incapables d’imaginer un autre genre d’école… Que dire des administrateurs des collèges? Penchés sur des rapports et des statistiques, ils continuent à découper le collège en classes de « niveaux » (qu’ils appellent « poubelles » entre eux), et s’obstinent à organiser le temps des cours selon les traditions. N’y a -t-il que quelque professeurs et chercheurs pour essayer d’y voir plus claire?

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