Rapport du HCE sur le collège : Bruno Racine répond à nos questions.

Bruno Racine, on a déjà beaucoup écrit sur le collège, et sur ce qu’il conviendrait de changer afin d’en améliorer le fonctionnement. Qu’apportez-vous de nouveau ?

Je crois qu’on est face à des décisions qui peuvent avoir une portée historique. Dans notre rapport, nous avons voulu montrer que le collège est en quelque sorte coincé entre le primaire, qui est dominé par des figures historiques et a une forte identité, et le lycée, encore plus ancien et doté lui aussi d’une personnalité affirmée. Le collège est un peu écrasé par le poids de ce qui le précède et de ce qui le suit. Son identité et son objectif ont été longtemps confus. Le collège est resté en quelque sorte trente ans sans feuille de route. Il a fallu attendre la loi de 2005 pour que sous l’appellation de socle commun de connaissances et de compétences, un tel objectif soit défini. Le défi auquel est confrontée l’école aujourd’hui, c’est bien de porter tous les jeunes d’une classe d’âge au niveau de connaissances et de compétences qui est nécessaire dans le monde du XXIème siècle. Or, nous en sommes loin. C’est pourtant une ambition inscrite dans la loi. Nous ne réclamons pas un « grand soir ». Nous disons simplement : « prenons au sérieux, appliquons à tous les niveaux de notre système éducatif cette obligation de résultats qui nous est faite ».

Pour cela, nous faisons des recommandations d’ordre pratique, sur l’organisation du collège, sur un accroissement de l’autonomie au niveau l’établissement, sur la manière dont l’encadrement des jeunes par des adultes doit se faire, peut-être en révisant la manière dont le service des enseignants est défini aujourd’hui…Des mesures qui peuvent d’ailleurs soulever des oppositions et des problèmes, mais l’essentiel est bien que l’objectif assigné au collège soit clairement connu et compris de tous.

Si le collège est reconnu comme un maillon décisif dans cette politique, cela devra sans doute se traduire par d’autres arbitrages budgétaires au sein de l’enveloppe attribuée à l’éducation nationale. On voit en effet que la priorité budgétaire a toujours été au lycée, puis au primaire, mais pas au collège. Autre point important, puisque l’on conçoit maintenant la scolarité obligatoire comme un tout en termes de résultats, il faut repenser l’articulation entre le primaire et le collège. C’est pour cela que nous avons parlé d’ « école du socle commun », pour bien souligner la continuité. Avec le socle, nous avons un cadre législatif clair. Désormais, en termes de conception des programmes, de pratiques pédagogiques, de formation des maîtres ou d’organisation des établissements, il y a là une ambition de longue durée.

Est-ce que vous pensez pouvoir être entendu par les acteurs du système éducatif, le politique… Est-ce que le moment est venu ?

Les enquêtes internationales obligent la Nation dans sa totalité à se poser la question. Je pense que le moment est propice pour qu’il y ait un débat sur ce qu’on attend de la scolarité obligatoire et sur la ligne de conduite à adopter dans les années à venir pour atteindre cette ambition historique : élever le niveau moyen des jeunes Français. Comme le montrent les exemples étrangers, c’est aussi, contrairement à une idée reçue, le moyen de dégager une élite nombreuse ! Il y a tout un travail de persuasion à faire, notamment vis-à-vis des parents, pour montrer que le socle commun de connaissances et de compétences n’est pas un abaissement des exigences.

Les enseignants sont en première ligne pour relever ces défis. Dans votre rapport, vous invitez à compléter la logique de corps par une logique de métier. Pouvez-vous préciser ce point ?

Il est évident qu’enseigner en 6ème et en terminale, ce n’est pas exactement le même métier. Sans remettre en cause l’existence des corps actuels, on peut la compléter par des mentions ou des dominantes qui permettent une plus grande adaptation des enseignants aux spécificités de leur niveau d’enseignement.

Bruno Racine est le président du Haut Conseil pour l’Ecole depuis sa création en 2005. Il est également le président de la Bibliothèque Nationale de France.

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